Intention
Le conte La Biographie de Gusuko Budori
entraîne le spectateur dans une aventure onirique et philosophique qui conduit
le personnage d’expériences en expériences, de l’enfance à la maturité.
Le petit
Budori est confronté à une succession d’épreuves qui forgent sa personnalité à
l’image des valeurs humanistes portées par l’auteur. La conscience aigüe qu’il
a de l’autre guide ses actes sur un
parcours initiatique où une insatiable
curiosité, un sens poussé de l’effort et une générosité sans faille
construisent au fil du texte une forme de sagesse idéalisée par une chair
poétique.
Aux
récits documentés de la vie agricole et scientifique se construit, dans un
mouvement crescendo, un univers merveilleux qui dessine le paysage du conte.
Les
grands auteurs ne sont pas élitistes et les idées fortes s’expriment
humblement. L’écriture de Kenji
Miyazawa s’adresse à tous et
c’est une parole accessible à tous que le conteur offre au public, pour le
plaisir d’un rêve partagé et d’une réflexion sur les questions qui depuis la
nuit des temps fondent notre humanité.
Peut-être
qu’aujourd’hui, parce que les écrans envahissent nos univers et éloignent les
êtres humains les uns des autres, la scène de théâtre est-elle le lieu propice où dire ces paroles qui, au fil
des générations, questionnent nos vies. Peut-être qu’aujourd’hui le comédien
trouve sa raison d’être sur une scène dans la proximité qu’il s’octroie avec le
public pour dire une poésie qui transmette
les rêves humains.
En tous
cas, pour le spectacle La Biographie de
Gusuko Budori, il s’agit d’un théâtre de l’intimité, presque de la
confidentialité où l’exigence artistique puise dans la tradition des
troubadours.
Adaptation
Raconter,
avec ses propres mots, une histoire écrite par un écrivain, c’est faire acte de
cannibalisme. Le texte doit être dévoré, mâché,
nettoyé entre les os et quand le squelette apparaît, bien rutilant, on
peut le faire danser, couvert d’une nouvelle chair.
Il y a chez Kenji Miyazawa
un fort souci d’équilibre, un besoin de voir le monde noir et blanc, vide et
plein, matériel et spirituel, rêvé et réalisé. C’est sans doute la raison pour
laquelle, après avoir écrit La biographie de Gusuko Budori il
compose une autre version du conte, La biographie de Nénémou Pène Nène Nène
Nène, avec les mêmes motifs et la même structure, à la différence que la première biographie s’appuie sur le
réel, les sciences et techniques et les savoirs empiriques, alors que la seconde
s’aventure dans le rêve et l’imaginaire.
Adapter ces deux récits
en les enchevêtrant, c’est chercher les passages et l’équilibre entre le rêve et la réalité.
Le conteur est assis au
cœur du Cabinet des curiosités de Kenji Miyazawa. Devant lui, une collection de
minéraux, des bols tibétains, des documents et photographies sur les rizières,
la culture du ver à soie et les volcans. Derrière lui, un portique en bois sur
lequel sont accrochés des gongs, une carte du ciel, une estampe de train, la
maquette d’un dirigeable, un chapeau et une queue de pie. La scène est éclairée
par une centaine de bougies, le soutien des projecteurs est à peine visible aux
yeux des spectateurs.
A la
lisière du théâtre et du conte, le comédien dessine parfois les silhouettes de
certains personnages avec quelques accessoires simples, chapeaux, lunettes ou
cahier d’écolier. Il ouvre un univers poétique au son de la tampura et ponctué
de quelques coups de gongs et bols tibétains .